Un constat alarmant
Une étude publiée cet été [1] estime qu’un citoyen américain ayant une alimentation conforme aux recommandations diététiques ingère entre 39 000 et 52 000 particules de microplastique chaque année. Ces chiffres doublent lorsque sont pris en compte les particules présentes dans l’air ambiant et absorbées par inhalation. Pour une personne consommant exclusivement de l’eau en bouteille, il faut ajouter environ 90 000 particules annuelles. La fourchette haute dépasse ainsi largement la barre des 200 000 microplastiques entrant dans le corps humain année après année.
Les effets à long terme de cette pollution ne sont pas connus, faute d’étude disponible sur le sujet. On peut craindre une toxicité chimique, une réaction immunitaire induite ou une contamination par des micro-organismes pathogènes fixés sur ces particules. Les particules les plus fines (moins de 130 microns de diamètre) peuvent potentiellement passer dans les tissus humains et provoquer une réponse immunitaire localisée.
Cependant, dans un rapport publié le 22 août, l’OMS a présenté des résultats rassurants concernant les conséquences pour la santé humaine des microplastiques présents dans l’eau du robinet et l’eau en bouteille. Dans le même temps, l’institution souligne la faiblesse et les limitations des études disponibles.
Dans les milieux naturels, la pollution aux microplastiques ne cesse d’augmenter et risque de devenir une menace importante pour les écosystèmes aquatiques. L’OMS voit dans l’insuffisance du traitement des eaux usées l’une des causes majeures de ce problème.Le traitement des déchets solides constitue une autre préoccupation majeure. 359 millions de tonnes de plastique ont été produites en 2018, selon l’association des producteurs européens PlasticEurope. Un volume en hausse de 3,2%. Environ 40% de cette production est destinée au secteur de l’emballage et une grande part finit dans l’océan. On estime que 8 millions de tonnes de plastiques ont été déversées dans les milieux maritimes pour la seule année 2010 [2].
Il semble n’y avoir aucun moyen d’échapper à cette invasion. Pas même en se réfugiant dans la montagne la plus inaccessible. Une étude publiée en avril [3] révèle qu’en moyenne 249 fragments de microplastique se déposent quotidiennement sur chaque mètre carré d’une zone isolée du parc naturel régional des Pyrénées ariégeoises, à 1 425 mètres d’altitude. Ce taux est comparable à celui observé à Paris ou à Dongguan en Chine, les seules villes dans lesquelles de telles mesures ont été effectuées.
Les chercheurs expliquent que les particules sont transportées par les courants aériens sur des distances de plus de 95 km. Les particules récoltées sont composées de polystyrène (41%), de polyéthylène (32%) et de polypropylène (18%). Elles proviennent de la fragmentation d’objets en plastique à usage unique, d’emballages, de sacs plastiques et de textiles synthétiques. L’Arctique n’est pas épargné, ainsi que le montre deux autres études, [4] et [5], inquiétantes sur ce sujet. La neige qu’on y récolte contient jusqu’à 14 400 particules de plastique par litre. Là aussi, c’est le vent qui est le vecteur de cette pollution ubiquitaire.
Une réponse législative
Il est donc devenu nécessaire de lutter contre la pollution au plastique, en réduisant la production d’objets jetables d’une part, en améliorant traitement et recyclage d’autre part. Faute de mesures concrètes efficaces, c’est l’ensemble de la chaine alimentaire, homme compris, qui sera bientôt contaminée.
En France, un premier pas significatif a été franchi avec la loi sur la transition énergétique, qui a mis fin à l’usage des sacs en plastique, en juillet 2016 pour les sacs de caisse, et en janvier 2017 pour les fruits, légumes et autres denrées. Avant cette interdiction, pas moins de 5 milliards de sacs en plastique à usage unique étaient distribués en caisse des commerces chaque année en France [6].
La loi de transition énergétique pour la croissance verte poursuit ce mouvement de sortie du plastique jetable. Cette loi interdit la mise à disposition de gobelets, verres et assiettes jetables en plastique à compter du 1er janvier 2020. Il faut savoir que chaque année 4,73 milliards de gobelets en plastique sont jetés en France [7]. Le recyclage est techniquement difficile, du fait de la composition complexe de la matière employée. En conséquence, il ne concerne que 1% de ces gobelets.
D’autres dispositions nationales visent les bouteilles d’eau, les touillettes, les pailles, ou encore les cotons-tiges. Plus récemment, la directive européenne du 5 juin 2019 étend la liste des produits interdits, et s’attaque notamment aux contenants alimentaires en polystyrène expansé. Le raisonnement est simple : les 10 produits en plastique à usage unique les plus répandus sur les plages et les mers d’Europe constituent, avec les engins de pêche abandonnés, 70% de tous les déchets marins [8]. Ils sont donc la priorité de notre lutte commune contre la pollution au plastique.
[1] Kieran D. Cox et al., « Human Consomption of Microplastics », Environmental Science & Technology,.2019, 53, 12, pages 7068-7074.
[2] Jenna R. Jambeck et al., « Plastic waste inputs from land into the ocean », Science, 13 Feb 2015, Vol. 347, Issue 6223, pages 768-771, DOI: 10.1126/science.1260352
[3] Steve Allen et al., « Atmospheric transport and deposition of microplastics in a remote mountain catchment », Nature Geoscience, volume 12 (2019) pages 339–344.
[4] Ilka Peeken et al., « Arctic sea ice is an important temporal sink and means of transport for microplastic », Nature Communications, volume 9, Article number: 1505 (2018), disponible en ligne sur https://www.nature.com/articles/s41467-018-03825-5.
[5] Melanie Bergmann et al., « White and wonderful? Microplastics prevail in snow from the Alps to the Arctic », Science Advances, 14 Aug 2019, Vol. 5, no. 8, eaax1157, DOI: 10.1126/sciadv.aax1157, disponible en ligne sur https://advances.sciencemag.org/content/5/8/eaax1157.
[6] Selon le Portail de l’Economie, des Finances, de l’Action et des Comptes publics, https://www.economie.gouv.fr/entreprises/interdiction-plastique-jetable, consulté le 5 sept. 2019.
[7] Chiffre estimé par l’Association santé environnement France (Asef), 2017.
[8] Information fournie par la Commission Européenne, https://ec.europa.eu/environment/efe/content/european-parliament-votes-single-use-plastics-ban_fr, consulté le 5 sept. 2019.