Départ pour l’Arctique
Le brise-glace Polarstern est parti vendredi 20 septembre pour une nouvelle mission scientifique autour du Pôle Nord. Le départ a eu lieu du port norvégien de Tromsø. Environ 600 experts vont se relayer sur le navire, qui doit parcourir 2 500 kilomètres en 390 jours.
La mission mobilise 60 instituts de 19 pays et se voit dotée d’un budget de 140 millions d’euros. L’équipe scientifique est dirigée par l’Institut Alfred Wegener et le Centre Helmholtz pour la recherche polaire et marine (AWI). Elle a pour objectif d’étudier le climat arctique de manière approfondie et, en particulier, de permettre la collecte de données durant les mois d’hiver et de printemps.
Ces données seront précieuses pour mieux comprendre la contribution de cette région à l’évolution du climat. En effet, le réchauffement climatique est particulièrement fort en Arctique. La glace recule de manière spectaculaire. Mais les processus impliqués dans cette catastrophe sont très difficiles à déchiffrer pour les climatologues.
La date du départ a été fixée au moment où la couche de glace est la plus fine, de manière à permettre au navire d’avancer le plus loin possible dans les régions polaires.
Un navire piégé dans la glace
La mission a été nommée MOSAiC, pour Multidisciplinary drifting Observatory for the Study of Arctic Climate (observatoire multidisciplinaire dérivant pour l’étude du climat arctique). Le navire restera prisonnier des glaces et dérivera pendant de longs mois avec la banquise. Son parcours ne peut être véritablement connu d’avance. Les chercheurs construiront un réseau de stations sur la glace autour du Polarstern, à une distance allant jusqu’à 50 kilomètres. Ces stations automatisées recueilleront différents types de mesures. Elles dériveront avec le navire, à plus de 1 000 kilomètres des premières terres.
Une interaction climatique complexe
Des cristaux de glace se forment dans la couche superficielle de l’océan. Plus légers que l’eau liquide, ils montent vers la surface où ils s’agglomèrent. Une bonne compréhension de ce mécanisme, et plus généralement des transferts caloriques entre l’océan et l’atmosphère, est importante pour notre capacité à prévoir les évolutions climatiques. En effet, les courants marins transportent de grandes quantités d’énergie des latitudes tempérées vers l’Arctique.
Des craquelures d’eau libre se forment constamment dans les glaces polaires. Certaines perdurent, tandis que d’autres se referment rapidement. En été, cette eau libre absorbe les rayons solaires, tandis que la chaleur et l’humidité de l’océan se dissipent dans l’air. Les chercheurs s’intéressent à ces échanges énergétiques, ainsi qu’aux processus de transport, de déformation et de fonte de la glace au cours du cycle annuel.
Les échanges gazeux entre l’océan et l’atmosphère sont un autre sujet d’étude essentiel. Ils concernent bien sûr le dioxyde de carbone, mais aussi le méthane, les oxydes d’azote, etc. Certains gaz produits par les algues joueraient aussi un rôle important, et mal compris, dans le régime des précipitations. De plus, de grandes quantités de méthane sont libérées par le dégel du permafrost le long des côtes sibériennes. Ce gaz est entrainé vers l’Arctique par les courants océaniques. On ignore quelle part se décompose dans le milieu marin et quelle quantité de ce gaz très nocif pour le climat se répand dans l’atmosphère.
Discrets trésors
Le Polarstern étudiera également le plancton, des organismes discrets et mal connus sur lesquels on sait finalement peu de choses, bien qu’ils soient un des premiers maillons de la chaine alimentaire océanique. Ces petits organismes survivent aux rudesses de l’hiver polaire puis se multiplient rapidement lors de la fonte des glaces.
Contraintes techniques
Quatre navires brise-glaces et deux avions seront utilisés pour le ravitaillement et le transport de personnels. Une piste d’atterrissage sur glace de plus d’un kilomètre de long sera donc construite à proximité du bateau.
Le Polarstern est un bateau allemand entré en service en 1982. Il mesure 118 mètres de long, pèse 12 000 tonnes à vide et embarque un équipage de 44 personnes, auxquelles s’ajoute une cinquantaine de chercheurs. On estime que le navire, même à l’arrêt, consommera environ 15 tonnes de carburant par jour pour assurer le chauffage et le fonctionnement de ses équipements dans un environnement hostile dont la température peut descendre à -50°C.
Ce navire de recherche exceptionnel peut se frayer un passage dans une épaisse couche de glace d’un mètre et demi. Il disposera de deux hélicoptères embarqués permettant d’assurer, entre autres fonctions, l’installation et la maintenance des stations de mesure.
Les données
À partir du 1er janvier 2023, toutes les données collectées par MOSAiC seront disponibles gratuitement. Elles pourront être utilisées librement par les chercheurs, les ONG, les gouvernements, les entreprises et les citoyens ordinaires.
Plus d’informations (en anglais) sur :
https://www.mosaic-expedition.org/
https://www.awi.de/en/expedition/ships/polarstern.html
ou (en allemand) sur :
https://www.awi.de/expedition/schiffe/polarstern.html
https://www.faz.net/aktuell/gesellschaft/eisbrecher-polarstern-richtung-arktis-gestartet-16395780.html