Une préoccupation majeure
L’évolution des océans et des régions gelées [1] fait l’objet d’un rapport spécial [2] du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) [3]. Ce rapport publié le 25 septembre appelle à prendre des mesures ambitieuses et souligne « les risques toujours plus élevés liés à l’inaction ».
Les populations directement concernées sont considérables : 680 millions de personnes vivent dans des régions côtières à moins de 10 mètres d’altitude. L’Arctique compte à lui seul 4 millions d’habitants, déjà confrontés à des bouleversements de grande ampleur. Sans oublier les 65 millions d’habitants des petits états insulaires en développement, dont certains risquent d’être simplement rayés de la carte par la montée des eaux.
Mais d’autres types d’environnements sont également examinés par le rapport : en haute montagne, 670 millions de personnes vivent à proximité des glaciers et de leurs précieuses réserves d’eau douce.
Une menace précise
Les conséquences de l’évolution du climat sont précisément documentées [4]. Les océans se réchauffent, les glaces fondent, la mer monte. Et le rythme s’accélère. Le niveau des eaux s’est élevé d’environ 15 cm au cours du siècle dernier. Il progresse aujourd’hui à raison de 3,6 mm par an. L’inertie du système Terre fait que ce phénomène ne peut plus être arrêté, même dans les scénarios les plus optimistes. Si l’objectif de limiter le réchauffement en-dessous de 2°C est atteint, conformément à l’Accord de Paris, les océans enfleront quand-même de 30 cm à 60 cm d’ici la fin du siècle [5].
Les événements météorologiques extrêmes augmentent en fréquence et en intensité : pluies diluviennes, cyclones tropicaux, inondations ou, au contraire, vagues de chaleur et sécheresses prolongées. L’augmentation de l’humidité de l’atmosphère océanique, elle-même conséquence du réchauffement, joue un rôle clé dans ce phénomène.
Dans le même temps, la biodiversité décline et les ressources alimentaires fournies par les océans s’appauvrissent. Les mers deviennent plus acides [6], moins riches en oxygène, et les apports en nutriments des couches profondes diminuent du fait du réchauffement qui freine le brassage des eaux. Le changement climatique induit aussi un déplacement des populations de poissons des régions tropicales vers des zones plus froides, ce qui peut être favorable à certaines d’entre elles, comme l’Arctique, mais laisse craindre une situation difficile pour de nombreuses communautés dépendantes de la pêche traditionnelle.
En haute montagne, les risques encourus prennent la forme d’une diminution des ressources en eau et d’une multiplication des catastrophes naturelles : glissements de terrain, avalanches, inondations. Les conséquences du manque d’eau s’étendent à l’agriculture, à la production d’énergie hydroélectrique et aux revenus du tourisme.
Suivant les scénarios envisagés, entre 25% et 70% du permafrost de surface (d’une épaisseur de 3 à 4 mètres) devraient fondre d’ici 2100, larguant dans l’atmosphère de grandes quantités de gaz carbonique [7] et méthane, un gaz à effet de serre particulièrement puissant.
Une urgence politique
Les conclusions du rapport sont claires : il est urgent de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre. A défaut, nous serons confrontés à des défis encore plus difficiles à relever : submersion des terres, migrations, sécurité alimentaire, accès à l’eau potable, difficultés économiques dans de nombreux secteurs, détérioration de la santé, atteintes aux valeurs culturelles et à l’identité des populations.
Le rapport du GIEC constitue une base scientifique solide pour les discussions de la COP25 [8]. Cette conférence se tiendra au Chili en décembre de cette année. Les engagements seront-ils à la hauteur des enjeux ?
[1] Ces régions sont désignées par le terme générique de « cryosphère », dont la définition inclut la neige, les glaciers, les calottes glaciaires et plates-formes de glace, les icebergs, la glace de mer (banquise), la glace de lac et de rivière, ainsi que le permafrost (ou pergélisol) et le sol gelé saisonnier.
[2] Ce rapport Rapport spécial du GIEC sur l’océan et la cryosphère dans le contexte du changement climatique est consultable en anglais sur https://www.ipcc.ch/srocc/home/. Il est parfois désigné par son acronyme anglophone SROCC. Un communiqué de presse en français est par ailleurs accessible à l’adresse suivante : https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/3/2019/09/SROCC_PressRelease_FR.pdf.
[3] Le GIEC est l’organe des Nations Unies chargé d’évaluer les travaux scientifiques consacrés aux changements climatiques. Créé en 1988 par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et l’Organisation météorologique mondiale (OMM), il a pour mission de fournir aux décideurs, à intervalles réguliers, des évaluations scientifiques liées aux changements climatiques, à leurs conséquences et aux risques qu’ils peuvent poser à l’avenir, et de présenter des stratégies d’adaptation et d’atténuation.
[4] Le rapport s’appuie sur 6981 études scientifiques récentes, qui ont été évaluées par un groupe constitué d’une centaine de chercheurs.
[5] La fourchette haute des prévisions pessimistes donne une montée du niveau de la mer de 110 cm d’ici 2100. La dilatation des océans due à l’augmentation des températures a un effet encore plus important que la fonte des glaces.
[6] Les milieux océaniques ont absorbé entre 20% à 30% du dioxyde de carbone émis par les activités humaines depuis les années 1980, estime le rapport.
[7] Le permafrost arctique et boréal contiendrait une quantité de CO2 presque deux fois plus importante que celle déjà présente dans l’atmosphère. Cependant, on ignore quelle part des gaz actuellement piégés dans les sols gelés rejoindrait l’atmosphère.
[8] Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.